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Ecrits de Natacha Michel

Et la littérature ? (1). Entretien avec Natacha Michel par Alain Badiou

Paris, Le Perroquet, numéro 19/20, 21 janvier 1983

(21 janvier 1983)

- Alain Badiou : Tu as publié trois livres. Tous trois portent en indication du genre : « roman ». Pour toi, ce sont trois romans. On peut supposer que le roman a été le genre spécifique de la prose au 19ème siècle, et qu’il a perdu cette fonction quelque part entre Proust et Joyce. Un moderne ne doit-il pas dire que le roman est achevé, qu’il n’est plus une forme active de la prose ? Car le roman a achevé son parcours sous la pression interne de la prose. C’est comme si l’émergence de I’écriture-prose trouvait enfin ce genre trop étroit pour son expansion. Comparons si tu veux la prose à la force productive, et le roman à un mode de production. Un temps, ce mode organise la force, puis il cède sous la poussée de son développement propre. Je sais que tu soutiens là-dessus - prose et roman - un propos singulier. Je voudrais que tu dises comment tu vois aujourd’hui la dialectique de ces deux termes.

- Natacha Michel : C’est une question difficile. La première chose à dire, c’est que le roman du 19ème siècle est mort. Ce n’est pas inutile de le rappeler, car on met aujourd’hui l’accent sur ce qui l’a prolongé. Je pense à James, qui a fait venir jusqu’à nous une matrice et un moteur de l’intrication des personnages, les met¬tant à nu par l’entourage d’un monde social qui n’est plus que textuel.
De même que sur un autre versant, qu’il s’agisse de Samuel Beckett ou du Nouveau roman, c’était la prose pure dans son isolement, le refus de l’intrication, mais une prose romanesque cependant ; et James, c’était le mode de réaction des personnages les uns sur les autres, mode propre au roman, qui était l’objet isolé de son oeuvre.
En fin de compte, on ne peut pas être absolument sûr d’une fin du roman au sens d’un point de non-retour, parce que les différents aspects de la prose romanesque ont eu des postérités différentes. Il y a eu une inégalité de développement dans le dépérissement, plutôt qu’un arrêt. C’est le mode d’unité du roman qui a flanché. Il subsiste peut-être une dispersion de ses pouvoirs.
Si on pense qu’il y a une histoire du roman, ce qui est terminé est l’unité de son moment classique. Dans une telle période, on revient à la figure soit barbare et archaïque, soit futuriste.
Le problème pour moi n’est pas là. Si je maintiens que la plupart des choses qui s’écrivent en prose - à part la polémique, le pamphlet, la philosophie - mais y compris l’autobiographie, le témoignage et les histoires, sont structure de roman, c’est parce que je pense que ces écritures là sont dans l’ordre de la fiction. La fiction n’est pas le contraire du réel. Dans la fiction, c’est la vérité littéraire qui parle. Toutes ces formes d’écriture se heurtent aux problèmes légués par le roman dans si crise. Par exemple : qui parle ? Par exemple, le linéaire et la rupture ; le rapport entre description et action (qui ont inversé leurs rôles). En définitive, la question est : « Qu’est-ce qui fait prose ? ». C’est-à-dire une parole écrite, à laquelle l’écriture fixe ses lois non écrites, et non inscriptibles.

- A. B. : L’objection qu’on te fait quelquefois à ce propos concerne l’extension de la prose à la parole écrite. Tu corromprais la neutralité prosodique, par l’abri trop précaire où tu la mets de ce qui serait la revendication du poétique. Admettrais-tu que le roman soit une première extrémité de la prose moderne, celle qui lui lègue problèmes et obstacles, et que I’ éternelle poésie soit l’autre extrémité ?

- N.M. : Je n’ai sur ce point, peut-être, que des réponses relativement faibles. Il faudrait que tu dises, toi, comment tu réagis à ma manière spécifique de raconter des choses dans le péril de l’image. Pour moi, ça n’a rien à voir avec l’ornement. C’est un mode de construction, qui est de faire engendrer la situation et l’action par la langue. Ce n’est pas du tout le hasard des mots. Il y a dans la langue un tourniquet, c’est-à-dire à la fois un mouvement violent, un arrachement, que très peu de situations qu’on appelait « décrites », que très peu de mises en place peuvent égaler, il y a un primat aventureux de la langue ; et de l’autre côté il y a une lenteur, une paix de telle page soutenue par l’image, que très peu de descriptions d’un bonheur ou d’un sommeil peuvent rattraper. L’image donne à la fois un temps et un mouvement.
J’ai horreur de la neutralité, celle de la prose blanche me paraît impossible. J’engage à fond du côté du texte, en espérant qu’il en restera quelque chose. Je suis dans l’impossibilité de faire autrement que de croire que précisément le moderne du romanesque est d’avoir laissé sur le rivage, en se retirant dans sa mort, la prose romanesque. On l’admet très bien aujourd’hui quant il s’agit de proses interjectives, ou sacramentelles, c’est-à-dire dans des genres anciennement enregistrés à côté de la poésie et du roman. On les nommerait alors volontiers si on ne craignait pas le ridicule, ce dont les critiques ne meurent pas, Oratorio, Requiem, etc... c’est-à-dire on couvre leur réalité romanesque d’un alibi pris ailleurs. Ma tentative c’est de dire que la règle principale de la prose est le romanesque, que ce qui a un « style » s’ adresse à un récit, à une manière de raconter, et se heurte aux difficultés actuelles que cela comporte. C’est pourquoi je pense très modernes ce qu’on appelle, de quelque auteur qu’elles soient, les proses poétiques : les textes de Mallarmé, les portraits-souvenirs de Cocteau... C’est pourquoi j’aime passionnément les romans de Giraudoux. Ses romans : je n’aime pas du tout son théâtre.
La poésie ne procède pas ainsi. La poésie est le laboratoire de l’ensemble de la littérature. C’est ce qui se met en marche quand il y a une crise générale de la littérature. Ce n’est pas l’endroit où l’on va puiser. C’est l’endroit où sont écrites en grand les questions qui ailleurs sont écrites - ou pas du tout - en petit.
Mais ce sont les poètes ou des poètes qui exigent qu’on distingue les genres. Or il y a une crise des genres en ceci que le roman, s’étant retiré, a laissé la langue romanesque nue. On peut écrire dans le romanesque n’importe quoi, sauf la poésie ou le théâtre, qui restent des domaines solides, qui ont leurs règles propres. Ainsi le théâtre est excepté du romanesque, puisque la question « qui parle ? » y est résolue : celui qui parle est aussitôt visible. Ce sont les acteurs qui sont en scène. Pas besoin de scène, de monde, puisqu’ils sont « mis » en oeuvre par le metteur en scène même.

-  A.B. : Je serais plus audacieux que toi dans la revendication de ta propre singularité, aussi bien romanesque que d’esthétique théorique. Il me semble que tu prends, dans la crise des genres dont tu parlais, une position instituante. Je veux dire par là que tu ne fais pas spectacle d’écriture de la seule déreliction de la prose nue. Tu traçais le programme général de cette fonction instituante quand tu parlais de ta confiance dans la langue, à la fois quant à l’élan et quant au repos. Ta confiance d’écrivain dans la langue ne concerne pas seulement son pouvoir de suscitation locale. Tu l’étends à ce que les esthéticiens de la musique appellent « les grandes formes », sonate ou symphonie, par rapport aux évènements harmoniques ou thématiques locaux de l’oeuvre. Pour toi, la ressource imageante et métaphorique de la langue ne produit pas exclusivement, comme des écrivains modernes le disent, un chemin aveugle. La revendication du neutre, de la prose blanche, délestée de toute image, va de pair, quant aux grandes formes, avec deux points-de-vue. Le premier est que le neutre est ce qu’il y a de plus proche de l’errance. C’est ce que j’appellerai le neutre ontologique, comme dans les fables de Blanchot. Et l’autre, que le neutre est ce qui se plie exemplairement à une structuration extrinsèque, à un codage. C’est ce que j’appellerai le neutre constructiviste, ou oulipien.
Ton rejet de la neutralité n’est pas - pour le dire platement - affaire de goût, ou d’un tempérament d’écrivain trop soucieux de délectation pour consentir à l’ascèse. Ce n’est pas la revendication du charme du sensible contre les disciplines mathématiciennes de l’écriture. C’est, je pense, une position fondamentale sur la modernité des formes. C’est une philosophie esthétique cohérente, qui s’oppose, d’un seul geste, et à l’ontologie scripturale - typique version française de Heidegger -et au structuralisme appliqué. La version française de Heidegger, je la vois, du côté de la prose, dans Blanchot, dans Henri Thomas, dans le versant littéraire de Derrida. Et du côté de la poésie, pour bien préciser ce que je veux dire, ce n’est pas à Deguy que je pense, mais à du Bouchet.
Ta prose affirme, à travers le refus du neutre, qu’il existe une solution immanente au problème de la forme, sans dénier l’état contemporain de la prose nue. Cet état ne nous contraint ni à la loi du manque, ni au formalisme du codage. Et il ne nous y contraint pas, parce qu’il y a plus de choses dans la nudité de la langue que dans les vêtements dont on veut la couvrir.
Ceci exige de toi une discipline extrême, mais d’un autre ordre. Cette discipline, je la vois dans la possibilité de tenir avec rigueur les effets à longue portée d’une ressource du style. Dans tes livres, la mise en oeuvre d’une construction métaphorique est une trouvaille, mais qui est aussitôt aussi une astreinte. Il faut tenir en prose les effets de disposition d’ensemble qu’elle a sur ce qui suit, et aussi sur ce qui précède. De sorte que chacune de ces mises en oeuvre témoigne pour la consistance de la forme dans son ensemble. La construction de phrase est le point du réseau d’une construction de monde. A ceux qui t’accusent de « poétisme », fabriquons ce mot, il faut répondre qu’ils lisent tes phrases, mais pas le livre de tes phrases.

- N.M. : Comment se fait-il que quand on lit Guyotat, dont chaque phrase est un poétisme, il n’y ait pas sur le lecteur cet effet, et qu’il sent sans difficulté qu’il y a monde ? Ne serait-ce pas parce qu’il il s’agit de l’horreur du monde, et que ceci est admis comme un donné ? Que le monde soit atroce, c’est un principe de vraisemblance, à propos duquel on tient quitte l’auteur. Il est interdit de construire un monde par métaphores, et de faire un monde parfait, parce qu’on est accusé de redondance, et que du coup on vous impute une sorte de duplication, qui est le poétisme. Dans tous les livres habituels il existe une notion commune, antérieurement donnée, et qui joue le rôle d’une métaphysique, à laquelle adhérer.
Tout écrivain est un barbare, mais tellement civilisé qu’il doit civiliser ses lecteurs. Le point crucial pour le roman, c’est que le lecteur - dont je ne m’occuperai pas plus - t’attend au carrefour sphingé où il trouve quelque chose qui fait vraisemblance pour lui. Ce peut être un seul mot. Par exemple dans Stendhal, le rôle des mots employés au propre est essentiel. « Il ressentit de l’amour », ce n’est pas une description. C’est la création d’un point de vraisemblance dans une histoire invraisemblable.
Un lecteur mal-entend un livre sur une métaphysique qui est précisément cette vraisemblance là. On pourrait peut-être énumérer ses ressorts. Pour la littérature de témoignage, par exemple, il est bien entendu que le monde est celui dont on parle. Or, rien dans l’écriture de cette littérature n’est en fait réaliste. Le livre de R. Linhart sur le Brésil, que j’aime beaucoup, est écrit comme on conduit une voiture, avec des changements de vitesse. On le lit avec un présupposé métaphysique de vérité. Les catégories littéraires (réalisme, fantastique etc...) sont des prédonnées isolables, et en y regardant de plus près, les livres qui prétendent correspondre à ce qu’ils disent n’en ont pas l’écriture adéquate. De là qu’on découvre toujours des contre-pieds de lecture : le « fantastique » jardin de « la faute de l’abbé Mouret » pour le réaliste Zola, Julien Gracq prosodien critique sur la littérature dans « Lettrines », etc...
Je crois que j’écris des livres sans métaphysique, c’est-à-dire sans accord préalable.

- A.B. : On touche là à la fonction révolutionnaire de ta prose, que tu abordes par le biais abrupt, le biais de solitude, d’une critique artistique des métaphysiques. La suppression de l’accord préalable est un geste politique.
Bien entendu, il y a un autre présupposé, non métaphysique, et très difficile, qui est la confiance dans la langue elle-même, quant à sa capacité affirmative à grande échelle.

- N.M. : C’est ce qui m’est le plus fortement reproché.

- A.B. : Et c’est ce sur quoi il t’est le plus foncièrement impossible de céder. Je voulais reparler de Guyotat. Tu as raison sur l’horreur du monde. C’est un lieu commun d’école, je veux dire d’école primaire C’est le « on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments » de Gide. C’est l’accord le plus facile.
ment formel : sexe et sang sont ici des opérations d’écriture, et le ressassement est, lui, profondément neutre. Ce sont des phrases à l’indicatif actif, si l’on peut dire, qui constituent la basse continue de son oeuvre. Il y a là une neutralité sous-jacente sur laquelle Guyotat enlève ses métaphores magnifiques.
Ta prose est plus risquée, parce que ton principe de la construction métaphorique à longue portée ne s’assure pas sur une basse continue neutre. Toi et moi tenons Guyotat pour un immense écrivain. Mais les livres qui de lui sont lisibles sont solidement assurés : Tombeau, Eden... . Quand il a pris le parti de se délivrer de cette assurance, il a anéanti sa propre prose, comme on le voit déjà dans « Prostitution », et dans les pages arrachées par la presse à son grand oeuvre infini actuel...

- N.M. : Ce doit être admirable !

- A.B. : Nul ne peut plus, comme toi, se prononcer sur si c’est admirable ou pas. Ce sont des inscriptions cryptiques, des notations pour la pure pulsation de l’écriture. Ta propre prose n’assure pas. Tu as dit, déjà, qu’elle n’assurait ni par l’accord métaphysique, ni par un élément neutre sous-jacent. Tu dois donc résoudre cas par cas le problème de la forme, dans un pari de construction qui n’est gagé que sur la ressource immanente de la langue.

- N.M. : (proteste).

- A.B. : Attend. Il doit être entendu que cette ressource d’art est organiquement liée, pour toi, à l’historicité de la langue, c’est-à-dire au fait qu’une prose moderne n’est en capacité de ses propres ressources qu’à certaines fins d’expériences dans le monde. Ton immanentisme prosodique est le contraire d’un formalisme. Ton art témoigne d’une conviction historique sur le lien de la prose et du monde. Et ce lien n’est pas métaphysique. Il est historique, amoureux, et politique.

- N.M. : Je me suis toujours reproché, tout en m’en émerveillant, que me soit possible de savoir, quand je commençais un livre, tout de ce qu’on appelle ses éléments, mais sans savoir dans quel ordre ils s’y trouveraient. Donc sans pouvoir modérer, graduer, les effets de la disposition de ces éléments, qui sont réputés faire l’intrigue d’un livre.
L’intrigue d’un livre, pour moi, c’est précisément quand rien ne s’y passe. Quand tu parlais d’histoire, je prenais ce mot en son double sens. Un livre raconte une histoire, sinon il la chante, ou dit par concepts. Et ce ne sont pas les mêmes histoires. Les histoires propres au roman sont quelque chose comme le temps actuel, quelque chose de problématique et de contemporain. Les types d’histoires qu’on peut raconter dans un livre me paraissent en nombre limité. On pourrait les recenser dans une liste close. Ce sont les contenus de ces histoires qui sont les formes mères du roman. On raconte toujours les mêmes. La difficulté qu’il y a à raconter des histoires révolutionnaires vient de ce qu’est irracontable une histoire de l’Histoire. C’est pourquoi dès qu’on parle de ce genre de choses, on est obligé d’acclimater l’épique, et d’avoir affaire à lui.
J’en ai contre l’intrigue, contre ce qui était traditionnellement dit faire l’intérêt. C’est une question plus grave que ce qu’on dit d’ordinaire sur la nécessité artistique moderne de la rupture, la criti¬que du récit linéaire. Car cela tient à l’ actuel du roman. L’histoire racontée a pour obstacle, pour butée, de faire récit de quelque chose d’actuel. Ça suppose un mode d’agencement spécial de ce qui est raconté.
Ce qui est raconté n’est donc nullement indifférent. Ça ne peut pas être personnel. D’un autre côté, le sujet collectif n’est pas possible, ni le roman objectif.
Le roman qui a pour cible l’investigation d’un sujet est terminé, pas à cause de Proust, mais à cause de l’actuel, qui touche à la nature des histoires racontées dans un livre. Ce que tu dis sur le lien de la prose et du monde est tout à fait juste. Mais l’historique est en crise. On peut évidemment s’en retirer. Ce n’est pas mon choix.
Je veux dire tout de suite que parmi les écrivains que j’admire le plus, il y a Colette. Rien à voir avec l’histoire, mais avec l’actuel, oui.
- A.B. : Cette difficulté contemporaine de la prose, dont tu parles, qui est de savoir ce qui fait récit de l’actuel, je voudrais dire une fois encore que tu la traites dans tes livres. Ce n’est pas seulement un programme. Dans « La Chine européenne », tu as donné une des très rares proses de l’actualité de Mai 68. Ce qui nous intéresse ici n’est naturellement pas que tu parles de Mai 68, que tu le cites. Ce qui compte, c’est que ton récit n’est ni personnel, ni impersonnel. Ce n’est pas un témoignage. C’est une fiction, qui n’est cependant pas non plus la suréminence du Je. Ce n’est pas un évènement lié à une intrigue, c’est une fiction de Mai 68, au sens de la vérité. Les malins écriraient fixion, mise au fixe-prose de la vérité de Mai 68. Un test est très intéressant, qui est d’appliquer à ta structure de récit l’épreuve scolaire de leur résumé. James disait que son livre était fait quand il avait trouvé l’anecdote. Dans ses carnets, on trouve en quelques lignes, l’anecdote de livres de 600 pages. Pour James, en effet romancier de l’intrication, l’anecdote est matricielle.
Dans ton oeuvre, l’anecdote est moins une matrice qu’un étoilement. Tu dois en parcourir les branches, et anticiper métaphoriquement les connexions. Cet étoilement-parcours te permet de greffer une histoire sur l’actuel de l’histoire, dans un effet qui n’est jamais de citation ou de décor. Tes personnages, reprenons ce vieux terme...

- N.M. : Ce n’est pas un vieux terme. Je pense que le personnage, c’est le héros moderne. Ce n’est ni le Je, ni le rien. C’est quelque chose dont le portrait est donné, qui est un point dans le livre, un point source, référence propre de ce type de fiction.

- A.B. : Ainsi conçus, tes personnages sont eux-mêmes des fonctions de parcours. S’ils sont, dans ta prose, essentiellement voyageurs, ce n’est pas dans la topique de l’errance ou de l’apprentissage, mais parce que telle est la métaphore de leur fonction, fonction au long de laquelle tu étoiles les histoires de l’histoire.

- N.M. : Qu’est-ce qui fait que ce n’est pas le fil d’Ariane ? Les personnages ne relient jamais. Ils réapparaissent. C’est à eux qu’il arrive quelque chose.

- A.B. : Le personnage n’est pas chez toi ce qui va d’un point à un autre. Telle était son allure dans le roman d’apprentissage. Non, les personnages sont à tout moment source du parcours qu’ils sont, et ils assurent, dans la trame du récit, les fonctions de rencontre et de discontinuité.